Trois fois rien
Curating - Zoé Chantre, Aya Koretzky, Éléonore Saintagnan, Fondation Calouste Gulbenkian (Paris)



On a beau chercher, on ne trouve pas. Il n'y a manifestement rien à attendre des œuvres de Zoé Chantre (1981, Tulle), Aya Koretzky (1983, Tokyo) et Eléonore Saintagnan (1979, Paris) ; elles ne résolvent aucun mystère, ne répondent à aucune question. La démarche de ces trois artistes consiste plutôt à aller à la rencontre, par le biais d'une approche fondée sur la gratuité et l'humilité. Cette manière lente de poser le regard révèle une honnêteté derrière laquelle on devine un souci d'égalité et de complicité avec les objets et les sujets présentés. Dans leurs œuvres, pas d'accidents, de sursauts, d'imprévisibilité. Pas de glorification d'une « mise-en-personnage ». Les corps, visages, gestes et paysages sont ordinairement livrés comme tels : dans leur quotidienneté dévoilée comme un territoire dans lequel la répétition des gestes, des postures, des paroles et des saisons ne mène au final à rien.

Un long-métrage, Yama No Anata (Au-delà des montagnes) de Aya Koretzky de 2011, dans lequel les paysages longeant le fleuve Mondego au centre du Portugal se déploient et où Aya et ses parents sont venus s'installer en 1992 après avoir quitté Tokyo. Ces mêmes paysages servent de toile de fond au court-métrage Terror Japonês (Histoires de fantômes japonaises), coréalisé avec Miguel Clara Vasconcelos en 2006 ; des proches de l'artiste racontent devant la caméra de vraies-fausses histoires d'épouvante.

Tiens moi droite de Zoé Chantre (2011) est un film-récit à la première personne où se mêlent contraintes et aubaines liées à la découverte et au traitement d'une scoliose chez l'artiste. Le livre Projections privées (carnet de route), écrit en tandem avec Alexandra Pianelli (2008), et les cinq photographies lenticulaires éclairées - Photos de familles - sont issus du même projet Projections privées. Réalisé entre 2006 et 2008, il s’agissait pour les artistes de se rendre chez les habitants de différents villages du canton d'Auberive en Haute-Marne et d’y programmer des séances de cinéma. À chaque session, deux photos de la même famille furent prises, à partir desquelles un unique tirage lenticulaire fut conçu. Coérigé avec Alexandra Pianelli, Confidences de boutons (2006) est un recueil d'histoires de boutons de vêtements.

Le Parc naturel régional des Ballons des Vosges est le cadre d'Un film abécédaire d'Eléonore Saintagnan (2010). On y croise des dieux Vikings, saint Nicolas et frère Joseph. Dans Les Malchanceux (2012), le jeu de quilles, et plus particulièrement la reconstitution d'un tournoi sur un ancien quillier désaffecté, permet d'entrevoir la vie des habitants de la campagne du Pas-de-Calais, région fortement touchée par la désertification. Du Pas-de-Calais à l'Ardèche avec le court-métrage Les Petites Personnes (2003), et le quotidien villageois de trois sœurs en bas âge qui, entre jeux d'enfants et responsabilités d'adultes, inventent un monde bien à elles. - Antonio Contador






Vue de l’exposition à la Fondation C. Gulbenkian à Paris.
Photos : Guillaume Vieira